Les impacts des changements climatiques sur les villes peuvent prendre différentes formes. Ils peuvent, par exemple, entraîner une montée des eaux importantes, comme à Jakarta en Indonésie, ou bien être la source de successions de vagues de chaleur intenses et longues pouvant rendre à terme certaines villes inhabitables.

Les vagues de chaleur ont des conséquences dramatiques sur les populations, avec un accroissement de la mortalité, mais ont aussi des impacts délétèrent sur la faune et la flore sauvage. Comme le montre cet article paru dans la revue Nature[1], entre reconfigurations écosystémiques et perturbations démographiques et communautaires, les canicules accentuent la fragilité et la mortalité du vivant. 

En milieu urbain, les espaces naturels sont très fragmentés, se raréfient et subissent une pression anthropique importante ce qui entraîne une fragilisation des habitats, fragilité accrue par la rupture des continuités écologiques causée par l’organisation spatiale de la ville : dense et bituminée. Ainsi, dans des milieux déjà peu propices (nourriture et eau plus difficilement accessibles) au bon développement de la biodiversité, les vagues de chaleur viennent accentuer la fragilité du vivant, en causant un effet de rétroaction négatif. Plus les canicules sont fortes, plus la nature s’affaiblit, plus les impacts des canicules sont forts, et ainsi de suite. Les vagues de chaleur, synonymes de faibles précipitations, ont aussi pour conséquences une raréfaction de la ressource en eau. Ainsi, la biodiversité est en stress hydrique constant. Les jeunes plants ne poussent plus voire meurent ; la mortalité de la faune s’accélère, notamment les populations d’oiseaux, qui voient leurs naissances et le développement des oisillons fortement perturbés par le manque d’eau et les fortes chaleurs. En outre, les arbres arrêtent leur évapotranspiration afin de conserver l’eau, ce qui entraîne une baisse du rafraîchissement de la ville ainsi que la mise en danger de certains végétaux.

Mais alors, la biodiversité est-elle vouée à périr en milieu urbain ? Si nous laissons la situation évoluer telle qu’elle est en train d’évoluer alors oui, à terme, la biodiversité disparaîtra de l’espace urbain et les conséquences sanitaires de sa disparition seront très importantes. Préserver et réintégrer le vivant en milieu urbain est donc d’une importance capitale. 

Comme le montre un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) publié en 2021, pour protéger la biodiversité nous devons utiliser des solutions fondées sur cette même biodiversité.

En milieu urbain, cela passe notamment par une protection de la nature existante, à travers une prise en compte de ses besoins (besoins en eau, en espace, en nourriture…) mais aussi par sa réintégration progressive mais massive dans les villes.

A travers le monde, nous pouvons retrouver des exemples de renaturation de l’espace urbain qui ont permis de recréer des continuités écologiques fonctionnelles dont les services écosystémiques sont d’une importance capitale pour la bonne santé des milieux urbains et de ses habitants. Nous pouvons par exemple prendre l’exemple du corridor de conservation de la crique urbaine de Bogota. Avec le soutien des communautés locales et du gouvernement, le projet “Urban Creek” de Bogotá a commencé en 2014 à restaurer les ruisseaux et les rivières des bassins versants d’approvisionnement en eau pour environ 8 millions de Bogotáns, pour un meilleur contrôle des inondations, de l’écotourisme et du réchauffement climatique[2]. Nous pouvons aussi prendre l’exemple du projet colossal de renaturation du fleuve Cheonggyecheon à Séoul. En supprimant une deux fois quatre voies qui traversait toute la ville, Séoul a restauré un fleuve enfoui. Cette restauration a permis aux habitants de la capitale coréenne de profiter, aux alentours du fleuve, d’une baisse de température pouvant atteindre 6°C[3].

Même si des projets d’envergures, à travers la reconnexion de grands corridors de biodiversité, permettent un changement rapide de la situation, des solutions low-tech peuvent aussi apporter des bénéfices tout à fait intéressants. Dans des milieux urbains très denses, la création d’une végétalisation de pleine terre (préférentiellement des arbres avec un indice de canopée important) dans les espaces disponibles ainsi que des corridors entre ces espaces, peut permettre d’augmenter la résilience de nos villes. En outre, une grande partie des espaces disponibles doivent être mis au service de la biodiversité, c’est pourquoi une végétalisation massive des toitures, voire des façades selon les techniques utilisées, peut s’avérer pertinente afin de lutter contre l’effet d’îlot de chaleur urbain.

En milieu urbain, les menaces qui pèsent sur les écosystèmes et la biodiversité sont démultipliées. Pour autant, la nature est notre meilleure alliée dans la lutte contre les changements climatiques et dans l’adaptation de nos villes face aux conséquences de ces derniers.

De nombreuses solutions existent et peuvent être mises en place selon les contextes urbains, seule une volonté politique est nécessaire.

Sur le même sujet, la ville de Paris vient de publier un rapport sur l’adaptation de la capitale face aux vagues de chaleur.


[1] Ruthrof, K.X., Breshears, D.D., Fontaine, J.B. et al. Subcontinental heat wave triggers terrestrial and marine, multi-taxa responses. Revue Nature, Sci Rep 8, 13094 (2018).

[2] Vidal Merino, Mariana, Kang, Yi hyun, Arce Romero, Antonio, Pahwa Gajjar, Sumetee, Tuhkanen, Heidi, Nisbet, Rachel, DeMaria-Kinney, Jesse, Min, Annika K., Atieno, Wendy C., & Bray, Bryce. (2021). Climate Justice for People and Nature through Urban Ecosystem-based Adaptation (EbA).

[3] Lévy, J. (2015). Habiter Cheonggyecheon : l’exception ordinaire. Annales de géographie, 704, 391-405.

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